Il fallait féminiser des tissus d'hommes ....





J’ai pratiquement réfléchi trois mois pour cet ouvrage et je l’ai fait en trois jours, j’avais d’abord pensé faire un bloc constellé de fleurs en soie rose et en flanelle grise, j’aimais le contraste des matières. J’avais aussi pensé faire une incrustation de dentelle noire et perlée (très Christian Lacroix). En discutant sur le sujet de cet art textile avec une de mes tantes, celle ci m’a dit, « la dentelle sur des tissus d’hommes ca faisait revue de cabaret de chez Michou, alors je me suis prise au défi de faire quelque chose de féminin en n’utilisant que très peu de matériel féminin.

Je dessine très mal, j’avais gardé depuis longtemps dans « mes archives » un dessin du peintre Yvo Jacquier http://www.jacquier.org/, « la femme lyre » cette silhouette épurée me plaisait beaucoup. Mais je l’ai inversé pour le dessin car je ne l’aimais pas dans son sens original. La pureté de la silhouette imposait des embellissements très sobres.

J’ai donc monté mon tissu en forme d’étoile, et appliqué la silhouette de femme. Dans le reste de tissu j’ai découpé des feuilles que j’ai appliquées autour de la femme, j’ai tout rebrodé avec du fil argenté (DMC) au point de tige et au point lancé, et j’ai cousu une dizaine de boutons de nacre de récupération (offert par un copine) au centre des boutons de nacre j’ai posé trois perles grises (acheté au rayon enfants du supermarché), j’ai aussi rajouté quelques perles en cristal pour la lumière, et surtout trois « diamants » car ma fille de trois et demi y tenait beaucoup, et des « zigouigoui » de perles rocailles transparentes pour arrondir la sécheresse du tissu.

Il me restait le haut de l’ouvrage à travailler, j’ai couvert mes coutures avec de la ficelle argent pour paquet cadeau et ai rajouté des perles rondes transparentes et irisées de deux tailles différentes qui se sont mises seules à représenter des larmes.

Pour faire vivre les feuillages, j’ai rajouté un charm en forme d’araignée offert par une patcheuse américaine lors d’un échange.

Je voulais cet ouvrage un peu triste car pour moi, les tissus masculins ont une odeur celle un peu âpre du tabac blond et des eaux de toilette anglaises. Le toucher râpeux de la flanelle et celui soyeux du prince de galle m’ont fait penser aux costumes de ses grands hommes très sérieux qui ne pensent qu’à leur travail et que les femmes attendent ou n’attendent plus.

Lorsque j’ai terminé mon ouvrage, en l’observant bien, je me suis aperçue que j’avais recréé de mémoire les motifs des batiks chatoyants indonésiens et thaïlandais que j’avais admiré en Nouvelle Calédonie. Cela m’a serré le cœur et le nom de larmes s’est définitivement imposé car nous étions le 1er janvier 2005.

J’espère qu’il vous plaira autant que j’ai eu du plaisir à le voir naître entre mes mains.

Nathalie du Sud du Monde

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