Sainte Anne, sainte patronne des couturières

Vive Sainte Anne

Il n'est pas étonnant qu'en Belgique, où le culte de Marie est on ne peut plus populaire, la Sainte-Mère de la Sainte-Vierge jouisse d'une très-grande vénération. On a consacré trente-sept églises en son honneur, érigé bien des confréries sous son invocation, et on l'a choisie pour patronne de beaucoup de métiers aussi bien que de chambres de rhétorique. Une paroisse du doyenné de Belœil, dans le diocèse de Tournai, porte le nom d'Ellignies-Sainte-Anne, et le jour de la sainte, bien qu'il ne compte plus parmi les fêtes de commandement, donne encore lieu à de grandes festivités. C'est surtout pour les couturières, les dentellières et les lingères, qui honorent sainte Anne comme leur patronne, une fête qu'on solennise avec toutes les démonstrations de la joie. Dès la veille du jour de Sainte-Anne, on pare, à Bruges, à Bruxelles et en d'autres endroits, les écoles et les ouvroirs de fleurs et de guirlandes. Le matin, de bonne heure, toutes les jeunes filles qui fréquentent les ateliers de dentelles ou les ouvroirs d'une couturière, viennent souhaiter la fête à leur maîtresse et lui offrir un grand bouquet de fleurs. Puis elles se rendent à l'église, et après y avoir entendu la messe en l'honneur de leur sainte patronne, retournent à l'école ou à l'ouvroir, où le déjeuner aux gâteaux est servi. Le repas terminé, on s'apprête à faire une promenade en chariot ou en voiture vers une ville ou un village des environs pour s'y amuser. Celles de Bruges vont ordinairement à Blankenberghe ou à Ostende. Cette promenade est le divertissement principal du jour. Le chariot est couvert et orné de fleurs, et des paniers pleins de provisions et de gâteaux sont emportés; mais les élèves et les ouvrières qui veulent être de la partie, doivent, pendant toute l'année, remplir leur tâche ou « hun mestag doen »; celles qui ne l'ont pas faite, doivent rester à la maison. Pour être à même de payer les frais de cette excursion, il est d'habitude de s'imposer chaque semaine une légère cotisation. Aussi destine-t-on au même but les petites amendes qu'inflige le règlement de chaque atelier ou ouvroir contre des actes d'oubli, d'indiscrétion ou de négligence. Quand le temps n'est pas favorable, on passe la journée à l'école ou à l'ouvroir au milieu des danses et des chants, et il y a toute une série de chansons populaires qui sont exclusivement en usage chez les couturières et les dentellières lors de la célébration de la fête de leur patronne. Mais, en dehors d'un beau cantique qui en est pour ainsi dire la pièce fondamentale et que nous ne laisserons pas de publier ici, les chansons de sainte Anne ou « Sinte-Anna-Liedjes », que , ne contiennent que la description des particularités de la fête ou l'expression des plaisirs et des regrets qu'éprouvent les jeunes dentellières ou couturières durant et après la fête de Sainte-Anne.

Laet ons met lofzangen pryzen
Onze moeder Anna zoet,
En haer lof en eer bewyzen,
Want zy is ons naerste goed.
Heylige Anna, Moeder Anna,
Die ons droefheyd hebt gezien;
Heylige Anna, Moeder Anna.


Na zuchten geeft verblyd.
Als wy nu gaen openbaren
Hare groote heyligheyd,
Wy moeten dan ook verklaren
Hare groote weerdigheyd.
Heylige Anna, enz.


Gy zyt van
God verkoren
Om zyns zoons grootmoeder te zyn,
En de gebeden te hooren
Van elk die in droefheyd zyn.
Heylige Anna, enz.


Gy hebt aen God opgedragen,
In hare teere jongheyd,
Uw dochter van drie jaren,
Uwen waren troost en vreugd.
Heylige Anna, enz.

Une chanson des plus populaires qui se chante le jour de Sainte-Anne est celle-ci :

't Is van dage sint'
Annadag, sint' Annadag;
Wy kyken al naer den klaren dag,
En wy kleên ons metter spoê
0m te gaen ter kerke toe.
Als de misse wierd gedaen,
Wy zyn al blyde van deure te gaen.
Josephus is gekomen alhier
Met zynen wagen en zyn bastier.
De provianden,
Koeken in manden,
De provianden Dragen wy meê.
Die willen al met ons meê gaen,
Moeten 't heel jaer hun mestag doen;
En die 't niet en hebben gedaen,
Moeten t'huis blyven en niet meê gaen

C'est peut-être le patronage des couturières qui a donné naissance à l'habitude de dire : « Elle entre dans la garde-robe de sainte Anne » pour désigner une fille qui devient vieille, dicton qui s'emploie aussi bien dans le pays wallon que dans les provinces flamandes, ou « Sinte-Anne-Schapraei » a la même signification. A Anvers, tout le monde va, le jour de Sainte-Anne, à la kermesse du Vlaemsch-Hoofd qui doit à cette circonstance son nom populaire de « Sinte-Anne » ou « Sinte-Anneken. »

Le Baron de Reinsberg-Düringsfeld 1870 Traditions et légendes de la Belgique .


Bonne fête, que vous vous appeliez Anne ou que vous soyez couturière.

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