Le jardin de ma grand mère

Ce matin, j'ai ouvert mon armoire, comme beaucoup de matin, à la recherche d'une serviette éponge, sèche et propre, et non pas une espèce de serpillière qui pendouille dans la salle de bains, après le passage de mes filles ... Et ... je suis tombée par hasard, par inadvertance, par erreur, (juste un petit acte manqué... ) sur un rideau, le rideau de pile comme on dit chez nous, le rideau pour la gatouillo, celui qui cache le dessous de l'évier, le rideau de mamie Toune, brodée au point d'araignée. Je ne l'ai jamais vu dans sa cuisine, je suis bien trop jeune pour celà, je suis arrivée avec l'avènenement du formica, et Mamie était résolument moderne. Rosy doit encore s'en souvenir. Ce rideau a illuminé, mon réveil, tout doucement dans l'aube noire et froide de ce matin d'hiver. Éclatant de mille fleurs au point d'araignée, brodé au DMC qui magie pour mes yeux d'enfant changait de couleur (variagated n'existait pas encore à son époque). Je me souviens du jour où elle me l'a donné avec un ensemble de cheminée brodé en bleu de petits oiseaux.

C'est étrange d'être tombé dessus, car je pensais très fort à elle hier soir, me posant des questions sur le pourquoi du comment m'aurait elle conseillé dans ma vie, aujourd'hui.

Elle me manque, et ces quelques fleurs m'ont rappelé sa présence à mes côtés comme à chaque instant, et à chaque fois que je prends une aiguille, un fil et un morceau de tissu.

Je crois ne l'avoir jamais vu broder, ni avec autre chose qu'un tricot à terminer, elle défaisait inlassablement des vieux pulls, et pour en retricoter d'autres ... maniant deux ou quatre aiguilles en même temps, élaborant des point de dentelle d'une extrême difficulté, réminiscence d'une période de privation, d'un temps de guerre, où pour nourrir ses enfants pendant que mon grand père était au front, elle tricotait, reprisait ravaudait et faisait la lessive dans ce lavoir glacé pour les autres, en plus de sa journée de travail comme rédactrice dans un journal, rien ne se perdait tout se récupérait.

Je la vois encore me faisant les gros yeux lorsque je m'approchais de ses balles de laine, rondes dures et joufflues, si tentantes à mes jeux de petite fille. Ces pelotes qui par le mystère du détricotage, d'une laine frisée par le point mousse et le jersey, devenaient si rigides et si compactes.. Les jolies laines de mohair aux couleurs sorbet avec lesquelles elles nous tricotait de pull dentelle ne m'intéressaient pas. Je voulais les grosses balles rondes grises et beiges. J'ai encore quelques part, un chandail de tennis et des chaussons tricotés par elle pour mon bébé Michel de Mode et Travaux.

Et j'ai encore du mal à imaginer la jeune femme si élégante, dans ses tenues 1925 ... celles qui avaient conquis le coeur de mon grand père.

Bien voilà comment quelques roses au point d'araignée vont renaître sous mes doigts et je transmettrai à mes filles, ce qui pour moi est ... un peu de vie éternelle.

Bon si j'allais prendre ma douche ....

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