Psychiatrie, Psychothérapie, Résilience, Art Brut et Art Textile ....

Parallel World, embroidery, 1995 - 96, 40 x 53 cm
Rosa Zharkikh

Le concept d'Art brut a été inventé en 1945 par le peintre français Jean Dubuffet pour qualifier les productions réalisées par des non-professionnels de l'art ou des pensionnaires d'asile psychiatrique œuvrant en dehors des normes esthétiques convenues (autodidactes, psychotiques, prisonniers, personnes indemnes de culture artistique). Il entendait par là un art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle. Selon lui, l'art brut doit « naître du matériau [...] se nourrir des inscriptions, des tracés instinctifs ».
Sa définition : L’Art brut désigne « des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythme, façons d’écritures, etc.) de leur propre fond et non des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode».
« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. » — Jean Dubuffet. 1960
L'Art brut est à distinguer de l'art populaire, l'art naïf, les dessins d'enfants, l'art dit "singulier" et même la "neuve invention".
Dubuffet a constitué dès 1945 une collection de ces auteurs. Elle prendra très vite une ampleur considérable, sera administrée par la Compagnie de l'Art brut (à laquelle sera associé un temps
André Breton ) et, après bien des péripéties, sera finalement hébergée à Lausanne en 1975, où elle se trouve toujours, sous l'appellation de la Collection de l'art brut .



Actuellement et jusqu'au 27 janvier 2008 se tient à Lausanne, une exposition dans la galerie

"Collection de l'art brut"
11, av. des Bergières
CH - 1004 Lausanne
Tél. +41 21 315 25 70
Fax +41 21 315 25 71



Texte de présentation de l'exposition issue du Site Collection Art Brut

Broderie, couture, tapisserie, tricot, dentelle, crochet. Les travaux d’aiguille, activités traditionnellement dévolues aux femmes, les ont assujetties au modèle à suivre, au canevas et au si bien nommé patron. Inféodées à ces tâches domestiques, elles y ont sacrifié leur indépendance d’esprit et leur liberté créatrice.

Jeanne Tripier, Madge Gill, Agnès Richter ou Rosa Zharkikh font voler en éclats ces principes ancestraux et semblent bel et bien contester cet asservissement par leurs audacieuses et prodigieuses créations. Parures singulières, histoires de vie brodées, fétiches magiques, écheveaux poétiques, les auteurs d’Art Brut donnent corps à des rêveries qu’ils évoquent entre la transparence et l’opacité. A l’instar d’Adolf Wölfli qui, dans ses partitions musicales, invente ses propres notations de solfège, Judith Scott, Juliette Bataille, Yumiko Kawai ou Jules Leclercq imaginent points, noeuds, laçages ou tissages, tantôt dans le raffinement, tantôt l’acharnement. Broder, coudre, tricoter, autant d’actes rituels – favorisant la pensée vagabonde – grâce auxquels ils se déprennent du réel et dévident leurs fantasmes. A ce titre, la robe de mariée de Marguerite Sirvins, créée à l’aide de fils tirés des draps de son lit pour un jour de noces improbable, est emblématique.

L’aventure les fait remonter dans le temps puisqu’elle renoue avec l’époque médiévale où les oeuvres textiles étaient considérées comme un art majeur, réservé aux hommes, exaltant les hauts-faits religieux, guerriers et politiques. Les auteurs d’Art Brut, quant à eux, gagnent le large, tissent toiles et réseaux pour atteindre des territoires oniriques et mentaux vertigineux.


Ils disent l’envers et l’endroit de l’existence.

L’exposition réunit une trentaine d’artistes d’Arménie, de Russie, de Belgique, d’Allemagne, de France, de Suisse, d’Italie, de Grande-Bretagne, de République tchèque ainsi que du Japon, d’Australie, des Etats-Unis et d’Amérique du Sud. Les oeuvres proviennent de la Collection de l’Art Brut ainsi que de collections privées et publiques.

Quelques artistes présentés dans l’exposition :
Née en Lozère, en France, Marguerite Sirvins, dite Marguerite Sir (1890-1957), est issue d’une famille de paysans. Hospitalisée dans un établissement psychiatrique à l’âge de quarante et un ans, elle commence à dessiner treize ans plus tard. Souhaitant avec ardeur connaître un jour le mariage, elle se met à confectionner une robe de mariée destinée à un jour de noces imaginaire. L’ouvrage est réalisé selon la technique du point de crochet, avec des aiguilles à coudre et des fils tirés de draps usagés. L’œuvre se révèle comme de la dentelle animée de motifs et d’ornements abstraits.

Vahan Poladian (1902 ou 1905-1982) est né à Césarée, en Arménie. Le jeune homme est confronté au génocide de son peuple et à la mort de son père et de son frère aîné. Il connaît ensuite l’exil, la guerre, la solitude. Il rejoint alors le Home Arménien de Saint-Raphaël, en France. Les seize années passées au sein de cette institution sont caractérisées par un repli autistique et une formidable énergie créatrice. Vahan Poladian récupère toutes sortes d’objets hétéroclites qu’il entasse sous les toits du foyer et avec lesquels il fabrique des costumes scintillants, ainsi que de nombreux accessoires. Il les revêt au cours de parades quotidiennes dans les rues de Saint-Raphaël. Lors de ses défilés, son corps devient un véritable support d’expression par le biais duquel il célèbre la splendeur orientale de son pays natal.

Jeanne Tripier (1869-1944) est née à Paris. A l’âge de cinquante-huit ans, elle se passionne pour les doctrines spirites et la divination et réalise avec ferveur des dessins, des broderies, des ouvrages tricotés au crochet, et rédige également des textes. En 1934, elle est internée dans un hôpital psychiatrique de la région parisienne, où elle poursuit ses travaux. Elle insère fréquemment dans ses textes de petits dessins réalisés à l’encre noire, violette ou bleue, à laquelle elle ajoute à l’occasion de la teinture pour cheveux, du vernis à ongles, du sucre ou des médicaments. En 1948, quatre ans après son décès, plus de trois cents dessins, une cinquantaine de broderies et environ deux mille pages de textes sont par chance sauvés de la destruction.




Jeanne Tripier, photo Claude Bomand

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